Le problème que j'ai avec la
critique sociale-démocrate des états socialistes*, c'est qu'elle tiennent rarement
compte des conditions concrètes de l’exercice du pouvoir. Que ce soit les
relations géopolitiques, la guerre imposée par la bourgeoisie ou des manigances
secrètes des grandes puissances, toutes surdéterminent le champ d’action de ces
fragiles États et impose des mesures qui une fois décontextualisée peuvent
paraitres autoritaires, mais qui s’impose par la réalité de la guerre des
classes. Ces critiques partent donc du principe que tout est possible et que
seul le manque de volonté des dirigeants empêcherait l’émergence d’une utopie
libérale ou libertaire et socialiste.
Souvent issue d’informations partielles,
décontextualisées ou de fausses nouvelles, l’opinion de ces critiques « de
gauche » sous-entend ainsi que LEUR projet politique ne souffrirait pas de
pareilles contraintes s’ils gagnaient les élections (ou une révolution) et que
les États impérialistes et la bourgeoisie locale accepteraient leur socialisme puisque LUI serait suffisamment « démocratique ».
Pourtant, si TOUS les États
socialistes, passé ou présent, ont été traités de dictatures ce n’est pas parce
que le socialisme est intrinsèquement contraire aux droits de l’homme, mais
bien parce qu’il est trop facile d’intimider les gens de gauche par ce biais-là
et que la réaction ne se privera jamais de récupérer un discours plein de belles
valeurs pour justifier sa domination sur le monde.
« Vous êtes pour les droits fondamentaux des êtres humains ? » « Donc vous devez être pour le libéralisme ! » « Fin de partie » (sic)
Pourtant, il n’est pas si
difficile de s’informer de la réalité du terrain et de rester minimalement
critique face aux montages médiatiques cousus de fil blanc, organisés par des
groupuscules réactionnaires et la bourgeoisie du pays, présentés comme un «
peuple agressé et opprimé par une dictature communiste ». Quand on voit le
traitement médiatique et politique sans compassion que subissent les mouvements
sociaux d’ici et des pays capitalistes alliés, on ne peut que constater le
contraste. Comme si ces campagnes de presse avaient une orientation
réactionnaire, malgré leurs beaux discours, leurs « valeurs » et leurs « bonnes
intentions » ? Poser la question c’est bien sûr y répondre !
Aux critiques de la gauche plus à
gauche que la gauche, comprenez que n'importe quel socialisme, aussi libertaire
soit-il, sera toujours traité comme une dictature sordide et que la
contre-révolution (même s’il elle est violente, voire carrément terroriste)
sera toujours présentée comme légitime, puisque ces campagnes servent à
intimider ceux et celles qui soutiennent les mouvements sociaux ici. Notons que
même si l’État agressé ne se défendait pas et laissait le champ libre à la
réaction, il serait assurément accusé d’État failli et serait vite renversé par
une vraie dictature… mais libérale cette fois !
Et tout ceci parce que
l’information est une guerre ! Et une guerre vieille comme la politique qui
plus est !
Alors pourquoi le camp du «
progrès » et de la « justice » n’est-il pas en mesure de défendre les bastions
du socialisme ou du moins de ne pas se servir de cette vile propagande pour se
faire mousser le nombril sur les réseaux sociaux ? Est-ce que la valorisation
de l’égo, au travers du narratif de Twitter, est plus important que
l’application concrète de ses idées ? Apparemment ça l’est pour une ribambelle
de soi-disant « socialistes » qui ont visiblement plus d’intérêts à mousser
leur carrière via le posturalisme bon chic bon genre que par la mise en place
de leurs soi-disant valeurs !
Néanmoins, est-ce que tout est
parfait à Cuba, au Venezuela et chez les autres pays en luttes ? Bien sûr que
non et là n’est pas le sujet. Le sujet est de ne pas jouer le jeu de la
réaction et d’être conscient que le jour où nous serons proches du pouvoir, les
mêmes armes seront utilisées contre nous et pour les mêmes raisons. Les États
socialistes peuvent et doivent être critiqués, mais de manière constructive et notamment
sur la base d’informations contextualisées et fiables. Et surtout, surtout,
surtout en dehors des périodes de bashing médiatiques !
Face au mur de l’argent, aux
médias privés, des services secrets et à la puissance des réseaux de la
bourgeoisie internationale, il est nécessaire d’utiliser notre seul
atout : le nombre. Et cet atout passe par la solidarité envers les peuples
en lutte, mais aussi envers les États issus de ces luttes, puisqu’elle est dans
l’intérêt de tous ! Dans la division et seul sur terre, il est incroyablement
plus difficile de changer les choses, puisque le camp de l’exploitation et du
despotisme économique est uni et frappe fort tous ceux qui osent remettent en
cause son hégémonie. Alors, soyons unis nous aussi dans la défense de ces
petits États en lutte, puisqu’ils nous le rendent bien par leur expérience et
qu’ils vivent dans le présent ce que nous devrons affronter demain.
Donc pour aujourd’hui et pour
encore longtemps, défendre le Cuba révolutionnaire et socialiste c'est défendre
notre propre droit au socialisme et à l’indépendance !
Benedikt Arden (juillet 2021)
(*) Entendre par « États
socialistes », tous pays dirigé par un parti communiste, social-démocrate
authentique ou tout autre organisation de gauche ayant comme projet de sortir
du capitalisme.