Le lundi matin 31 mars, lors de sa conférence de presse quotidienne, le chef du Parti libéral du Québec, Philippe Couillard, s'est inspiré d'un article publié le matin même dans le journal La Presse, détenu par le monopole Power Corporation. Il a commencé par dire que l'article intitulé « Le choc, la charge, la charte » prouve sans l'ombre d'un doute une « machination calculée » par le PQ pour « créer une crise sociale » au Québec qui conduirait à une « confrontation » avec le gouvernement fédéral, résultant dans une impasse juridique qui « fournira des munitions pour la cause souverainiste ».
Interrogé par des journalistes pourquoi il y voyait un problème au fait que le PQ mettrait de l'avant une stratégie pour gagner les Québécois à l'idée de la souveraineté, il a écarté la question en disant qu'il n'y a pas de problème que des partis fassent valoir ouvertement leurs idées souverainistes, mais que la façon dont cela est fait en « créant une crise sociale » sur la question de la Charte des valeurs est « inacceptable » parce que c'est une « machination machiavélique » et qu'il n'a « jamais de sa vie politique rien vu d'aussi cynique que cela ».
Eh bien, il semble que le docteur Couillard a quelques trous de mémoire sur le passé récent et moins récent de la politique québécoise. Se rappelle-t-il de la façon dont, en 1995, lors du référendum tenu au Québec, les libéraux de Jean Chrétien se sont assurés que les résultats soient en faveur du Non ? La Commission Gomery a exposé une série de manigances que les libéraux de Jean Chrétien ont utilisées pendant et avant le référendum pour acheter des votes et influencer l'électorat, ce qui a culminé la veille du référendum par le fameux « love-in » organisé à Montréal sous le thème « Mon Canada inclut le Québec ». En quoi cela est-il différent d'une « machination calculée » ? Peut-il se porter garant que son parti n'est pas derrière l'hystérie créée récemment autour du mot « référendum », et largement promu par lui-même et ses candidats durant les deux premières semaines de cette élection ?
Où se situe-t-il sur la question de la « Loi sur la clarté » adoptée en 1999 par le parlement canadien sur ce qui constitue une « majorité acceptable » aux yeux du gouvernement fédéral advenant un autre référendum au Québec ? N'est-ce pas un prétexte pour organiser une « crise sociale » en ayant le gouvernement fédéral qui déclare illégitimes les résultats d'un autre référendum, créant ainsi les conditions pour invoquer la Loi sur les mesures de guerre ? Comment est-ce que Couillard peut garder le silence sur le fait que certaines forces dans le reste du Canada discutent ouvertement dans les médias de l'organisation d'un « référendum préventif pancanadien » pour arrêter toute nouvelle initiative par le gouvernement du Québec de tenir un autre référendum ? N'est-ce pas une « machination calculée ». Nous avons affaire ici au voleur qui crie: « Au voleur ! ».
Ce que le peuple doit se rappeler, c'est que le Parti libéral du Québec s'est opposé à l'idée d'un référendum qui place au coeur des discussions la volonté du peuple d'affirmer sa souveraineté. Discuter ensemble de l'avenir du Québec va à l'encontre tout ce que les libéraux représentent aujourd'hui, qui est le statu quo constitutionnel, soit le maintien des arrangements qui datent de l'époque des bâtisseurs d'empire coloniaux du XIXe siècle.
Aujourd'hui, ces sont ces mêmes dispositions constitutionnelles qui donnent la légitimité juridique au gouvernement Harper et aux gouvernements des provinces et du Québec d'utiliser le plein poids du pouvoir exécutif et/ou de leur majorité au Parlement pour mettre en place ou décréter de nouveaux arrangements au sein de l'État qui favorisent les intérêts privés des monopoles. Cela se fait aux dépens du bien public, en opposition à la volonté du peuple qui veut la garantie des droits individuels et collectifs dans le cadre d'une société moderne. Par exemple, il n'est pas surprenant que les libéraux de Charest et maintenant sous Couillard promeuvent encore plus la privatisation du système de soins de santé comme le soi-disant remède à la crise dans laquelle ils nous ont eux-mêmes plongés.
Le parti libéral a montré maintes et maintes fois qu'il est coincé dans ses anciennes façons de créer des crises pour maintenir un statu quo constitutionnel qui étouffe autant la nation québécoise que le reste du Canada. Au contraire, nous avons besoin d'occuper l'espace du changement nous-mêmes en mettant sur pied des commissions sur l'avenir du Québec.
Fernand Deschamps, candidat du PMLQ dans St-Laurent (élection 2014)