Amury Girod entre dans la vie active en pleine effervescence de la lutte des peuples d'Amérique pour affirmer leur indépendance. Né en Suisse vers 1798, il approche la vingtaine lorsqu'il se rend en Amérique du Sud pour participer aux luttes anticolonialistes qui s'y mènent. Après avoir combattu contre les Espagnols au Mexique, certains disent avec le titre de lieutenant-colonel de cavalerie, Girod est en Colombie où il se joint à la lutte de Simon Bolivar, peut-être pour y ouvrir des écoles d'agriculture. C'est son domaine d'étude et les nouvelles républiques andines en ont besoin. Après un retour en Europe où il voyage dans divers pays, Girod revient au Mexique et passe ensuite aux États-Unis où il aurait entendu parler de la lutte de libération du Bas-Canada pour s'affranchir du joug britannique. Lorsqu'il arrive à Québec en 1831, il sait parler l'italien, l'espagnol, l'allemand, l'anglais et le français.
Il offre ses services au journal Le Canadien. Ses articles portent sur l'importance de l'enseignement des sciences, des mathématiques et de l'histoire naturelle. Il propose de créer dans chacun des districts de Québec, Trois-Rivières et Montréal une institution qui comprendrait une école normale et une ferme modèle. Dans une conférence prononcée au Quebec Mechanic's Institute il dit:
« Notre objet, c'est de combler l'abîme que l'ignorance et la présomption ont creusé entre la science et l'industrie. L'érudition du savant est stérile si elle ne devient pas utile à la vie pratique; les arts et l'industrie sont irréguliers et sans précision sans l'aide de la science. »[1]
Dès son arrivée à Montréal, en 1833, Amury Girod se lie au Parti patriote. Il participe aux multiples assemblées populaires organisées après que lord John Russell eut présenté ses 10 résolutions en réponse aux 92 résolutions adoptées par les patriotes et soumises aux autorités britanniques en 1834. À Saint-Marc, il prononce un discours en 1837, même chose à L'Assomption et Sainte-Scholastique (Mirabel). Girod est membre du groupe fondateur de l'Association des Fils de la liberté de Montréal qui publie l'Adresse des Fils de la liberté de Montréal aux jeunes gens des colonies de l'Amérique du Nord, le 4 octobre 1837. En voici des extraits:
« Nous considérons, qu'après le privilège qui appartient à chaque individu d'agir pour lui-même, d'après les bases mêmes de la société, celui de joindre toute son énergie à celle de ses concitoyens dans tous les projets qui ont pour but la défense ou l'intérêt mutuel, et par conséquent le droit d'association, est un droit aussi sacré et aussi inaliénable que celui de la liberté personnelle. Nous maintenons que les gouvernements sont institués pour l'avantage et ne peuvent exister avec justice que du consentement des gouvernés, et que quelque changement artificiel qui survienne dans les affaires humaines, un gouvernement de choix n'en est pas moins un droit inhérent au peuple. Comme il ne peut être aliéné, on peut donc en aucun temps le revendiquer et le mettre en pratique. [...]
« En conséquence, nous, les officiers et membres du comité de l'Association des Fils de la liberté dans Montréal, en notre propre nom, ainsi qu'au nom de ceux que nous représentons, nous nous engageons solennellement envers notre patrie maltraitée, et envers chacun de nous, à dévouer toute notre énergie, et à nous tenir prêts à agir, suivant que les circonstances le requerront, afin de procurer à cette province:
« - un système de gouvernement réformé, basé sur le principe d'élection;
« - un gouvernement exécutif responsable;
« - le contrôle par la branche représentative de la législature sur tous les revenus publics et de quelque source qu'ils proviennent;
« - le rappel de toutes les lois et chartes passées par une autorité étrangère, et qui pourrait empiéter sur les droits du peuple et de ses représentants et spécialement celles qui ont rapport à la propriété et à la tenure des terres appartenant soit au public soit aux individus;
« - un système amélioré pour la vente des terres publiques, aux fins que ceux qui désireraient s'y établir puissent le faire avec le moins de frais possible;
« - l'abolition du cumul des places et de l'irresponsabilité des officiers publics,
« et une stricte égalité devant la loi pour toutes les classes sans distinction d'origine, de langage ou de religion.
« Confiants dans la providence et forts de nos droits nous invitons par les présentes tous les jeunes gens de ces provinces à se former en associations dans leurs localités respectives, afin d'obtenir un gouvernement juste, peu dispendieux et responsable, et assurer la sécurité, la défense et l'extension de nos libertés communes. »[2]
La célèbre assemblée des six comtés des 23 et 24 octobre 1837 qui réunira 6000 patriotes à Saint-Charles est en préparation. Girod est responsable d'y représenter les opinions de Varennes. Lors de l'assemblée, il aura la fonction de secrétaire d'assemblée.
En novembre 1837, il doit diriger l'organisation armée du comté de Deux-Montagnes. Il est nommé par Chevalier de Lorimier responsable de former les cadres militaires, faire du recrutement, construire des retranchements ainsi que réquisitionner des armes et des vivres.
Le 14 décembre, les troupes de Colborne attaquent les patriotes retranchés dans l'église de Saint-Eustache. Girod, qui la veille était allé chercher des renforts à Saint-Benoît, prend la fuite. Le 18 décembre, on le retrouve mort d'une balle dans la tête.
Girod n'était pas riche: sa veuve doit vendre les meubles. Mise à part son importante participation à la lutte des patriotes du Québec, Amury Girod a fait paraître plusieurs écrits, dont : Conversations sur l'agriculture, par un habitans de Varennes (Québec, 1834) et Notes diverses sur le Bas-Canada (Saint-Hyacinthe, Québec, 1835).
Il a traduit et fait paraître un ouvrage de William Evans, sous le titre de Traité théorique et pratique de l'agriculture, adapté à la culture et à l'économie des productions animales et végétales de cet art en Canada; avec un précis de l'histoire de l'agriculture et un aperçu de son état actuel dans quelques-uns des principaux pays, et plus particulièrement dans les Îles britanniques et le Canada (Montréal, 1836-1837).
Enfin, le journal que Girod a rédigé au jour le jour du 15 novembre au 8 décembre1837 se retrouve dans APC Rapport, 1923, sous le titre de « Journal tenu par feu Amury Girod et traduit de l'allemand et de l'italien ».[3]
Geneviève Royer
Source : Numéro 49 de "Chantier Politique"
Notes
1. Amury Girod: un Suisse chez les Patriotes du Bas-Canada, par Philippe Bernard, édition Septentrion
2. http://www.1837.qc.ca
3. Dictionnaire biographique du Canada, «Amury Girod: un Suisse chez les Patriotes du Bas-Canada»