mardi 30 octobre 2012

Déclaration politique: ELN et FARC-EP




L’Armée de libération nationale (ELN) et les Forces armées révolutionnaires de Colombie – Armée du peuple (FARC-EP), inspirées par les plus profonds sentiments de fraternité, de solidarité et de camaraderie, avec optimisme et avec un grand moral de combat, intimement unies dans l’espérance du changement révolutionnaire, nous nous sommes rencontrées pour analyser la situation politique nationale et internationale, les problèmes de la guerre et de la paix en Colombie, et pour avancer dans le processus d’unité que nous construisons pas à pas depuis 2009 pour faire converger les idées et les actions qui nous permettront avec le peuple d’affronter l’oligarchie et l’impérialisme qui imposent l’exploitation et la misère dans notre patrie.

Notre tenace détermination est de poursuivre le recherche de la paix qui apportera à la Colombie et au continent la véritable démocratie, la souveraineté populaire, la justice sociale et la liberté.

Nous tenons cette réunion alors que nous assistons à la plus profonde crise du système capitaliste mondial, caractérisée par une multiplication des guerres d’invasion, de pillage et de surexploitation des ressources naturelles, de précarisation des conditions de travail, qui condamnent à la faim et à la mort des millions d’êtres humains sur une planète soumise à la voracité de l’impérialisme, allant vers le chaos et la destruction.

Dans notre patrie les calamités générées par ce système de surexploitation et d’exclusion des plus pauvres, les inégalités sociales se sont accentuées et l’affrontement de classe s’est aggravé et prend des dimensions jamais vues auparavant. Cela est le résultat direct de l’application massive et ininterrompue des politiques néolibérales qui favorisent les grands groupes financiers et les grandes entreprises transnationales, au détriment de la grande majorité.

Dans le panorama international de crise systémique du capital qui montre ses multiples visages de débâcle financière, économique, environnementale, urbanistique, énergétique, militaire, politique, institutionnelle, morale et culturelle, la Colombie se profile comme un pays à l’économie de type primaire et financier.

Les détenteurs du pouvoir en sont arrivés là pour permettre le pillage, représenté par l’extraction effrénée, le vol de nos ressources naturelles et la spéculation financière. Des millions de compatriotes ont été jetés dans la misère et la guerre, imposée par les élites pour réduire au silence le mécontentement de la majorité face à l’iniquité.

Le gouvernement du Juan Manuel Santos a été instauré pour garantir la continuité des plans de dépossession et de pillage imposés par l’impérialisme au peuple colombien. L’espace nouveau du capital, les nouveaux ordonnancements juridiques et les dispositifs militaristes de sécurité et de défense issus de la vieille doctrine de sécurité nationale et du terrorisme d’État prennent de l’ampleur dans notre pays en défense des « droits » du capital, du bien-être des riches aux dépens des travailleurs et du peuple humble. Dans cette perspective se déroule la nouvelle étape de vols de terres qui est aujourd’hui déguisée sous le nom de restitution. Dans les faits, aux millions de déplacés et de victimes des étapes précédentes des vols de terres, parrainés par l’État, s’ajoutent maintenant de nouvelles légions de paysans, d’Indiens, de gens modestes en général, à qui furent enlevées les terres, ou à qui la terre sera refusée au moyen de la tromperie légale, ce qui fera augmenter les chiffres de la pauvreté et de l’indigence qui situent la Colombie comme le troisième pays le plus inégal du monde.

Voilà le cruel résultat de la sécurité de l’investissement et de la prospérité dont parle le président Juan Manuel Santos, alors que les opposants continuent d’être victimes de la répression, d’emprisonnements et d’assassinats.

Face à cette réalité, pour les révolutionnaires il n’y a pas d’autre voie que l’unité et la lutte, l’action des masses dans la rue, le soulèvement populaire dans les campagnes et dans les villes, défiant la criminalisation de la contestation sociale et exigeant du gouvernement des faits réels de paix, qui ne peuvent pas être autre chose que des solutions aux problèmes sociaux et politiques que subit la majorité en raison du terrorisme d’État de la caste gouvernante dont les tendances les plus guerrières ont conduit le destin du pays cette dernière décennie.

Ce n’est pas par la démagogie et les menaces de répression, avec davantage de guerre, que sera mis un terme au conflit. Ce n’est pas l’achat de plus de matériel de guerre ni en livrant le pays au Pentagone que l’on parviendra à la paix, ce n’est pas avec des plans guerriers, des plans de destruction du territoire, comme le Plan « Patriota » ou le Plan Espada de Honor que l’on parviendra à la réconciliation des Colombiens, et encore moins en donnant des ultimatums aux insurgés à partir de l’idée vaine selon laquelle la paix serait le résultat d’une chimérique victoire militaire du régime, qui mettrait les insurgés à genoux, lesquels se rendraient et se démobiliseraient, avec ce simulacre appelé cadre juridique pour la paix.

Notre volonté de paix se nourrit de la conviction que le destin de la Colombie ne peut pas dépendre des intérêts misérables de l’oligarchie. Les changements politiques et sociaux, avec la participation et la pleine décision du peuple, sont une nécessité et un requis inévitable. Pour cela l’unité et la mobilisation du peuple en faveur des changements structurels pour construire la paix, sur la base de la justice, sont la vraie clé de sa conquête.

Avançant fermement unis dans la pensée et dans l’action, fraternellement,

Commandement Central Armée de Libération Nationale

Secrétariat de l’État Major Central Forces Armées Révolutionnaires de Colombie – Armée du Peuple

Montagnes de Colombie 
Septembre 2012

Traduction : Numancia Martinez Poggi

mardi 23 octobre 2012

Fidel Castro est à l’agonie?

Photo prise le 19 octobre 2012

Il a suffi d’un message aux diplômés de première année de l’Institut des Sciences médicales « Victoria de Giron » pour que le poulailler de la propagande impérialiste se déchaîne, et que les agences de presse se lancent derrière le mensonge, avec voracité. Mais ce n’est pas tout, dans leurs dépêches, elles ont ajouté sur le patient les stupidités les plus insolites.

Le journal espagnol ABC a publié qu’un médecin vénézuélien, établi on ne sait où, a révélé que Castro a souffert d’une embolie massive au niveau de l’artère cérébrale droite, « je peux affirmer que nous ne le reverrons plus en public ». Le soi-disant médecin qui, si c’en est un, a dû d’abord abandonner ses propres compatriotes, a qualifié l’état de santé de Castro de « très proche de l’état neurovégétatif. »

Même si beaucoup de gens dans le monde sont trompées par les organes d’information, presque tous aux mains des privilégiés et des riches, qui publient ce genre de bêtises, les peuples croient de moins en moins à ces mensonges. Personne n’aime être trompé, même le menteur le plus incorrigible attend qu’on lui dise la vérité. Tout le monde a cru, en avril 1961, les nouvelles publiées par les agences de presse affirmant que les envahisseurs mercenaires de Giron ou de la Baie des Cochons, comme on veut bien l’appeler, arrivaient à La Havane, alors qu’en réalité, un petit nombre d’entre eux tentaient vainement de rejoindre en canot les navires de guerre yankees qui les escortaient.

Les peuples apprennent les leçons, et la résistance grandit face aux crises du capitalisme, qui se répètent de plus en plus fréquemment ; aucun mensonge, aucune répression, pas même les nouvelles armes ne pourront empêcher l’effondrement d’un système de production toujours plus inégal et injuste.

Il y a quelques jours, peu avant le 50° anniversaire de la « Crise d’Octobre », les agences ont signalé trois coupables : Kennedy, fraîchement arrivé à la tête de l’empire, Khrouchtchev et Castro. Cuba n’a rien eu à voir avec l’arme nucléaire, ni avec le massacre inutile d’Hiroshima et de Nagasaki perpétré par le président des États-Unis Harry S. Truman, instaurant la tyrannie des armes nucléaires. Cuba défendait son droit à l’indépendance et à la justice sociale.

Lorsque nous avons accepté l’aide soviétique en armes, en pétrole, en aliments et en autres ressources, ce fut pour nous défendre contre les plans yankees d’invasion de notre Patrie, soumise à une guerre sale et sanglante que ce pays capitaliste nous a imposée dès les premiers mois et qui s’est soldée par des milliers de vies et de mutilés cubains.

Lorsque Khrouchtchev nous a proposé, au nom de la solidarité, d’installer des projectiles de moyenne portée semblables à ceux que les États-Unis avaient en Turquie – encore plus proches de l’URSS que Cuba des États-Unis –, Cuba n’a pas hésité à accepter un tel risque. Notre conduite a été moralement irréprochable. Jamais nous ne présenterons d’excuses à quiconque pour ce que nous avons fait. Une chose est sûre, c’est qu’un demi-siècle s’est écoulé et nous sommes toujours là, la tête haute.

J’aime écrire et j’écris ; j’aime étudier et j’étudie. Il y a beaucoup de tâches dans le domaine du savoir. Jamais les sciences, par exemple, n’ont avancé à une vitesse aussi vertigineuse.

J’ai cessé de publier des Réflexions parce que ce n’est certainement pas mon rôle de remplir les pages de notre presse, qui se consacre à d’autres tâches dans l’intérêt de notre pays.

Oiseaux de mauvais augure ! J’ai même oublié ce qu’est un mal de tête. Pour prouver à quel point ils sont menteurs, je vous offre les photos qui accompagnent cet article.

Fidel Castro Ruz 
Le 21 octobre 2012 
10h12

vendredi 19 octobre 2012

Vingt-cinq ans après la mort de Thomas Sankara : « on peut tuer un homme mais pas ses idées »



« On peut tuer un homme mais pas ses idées », avait l’habitude de dire Thomas Sankara, le « président du Faso », comme l’appellent encore les Burkinabés.

Sankara a été tué il y a vingt-cinq ans, le 15 octobre 1987, mais ses idées, ses valeurs, ses enseignements sont plus vivants que jamais. Le jour de ce sinistre anniversaire, nous devons nous rappeler qui était Thomas Sankara, le Che Guevara de l’Afrique. Son histoire révolutionnaire commence en Haute-Volta le 4 août 1983 lorsque, capitaine de l’armée voltaïque, il prend le pouvoir à la faveur d’un coup d’État sans effusion de sang. Le pays, ancienne colonie française, abandonne bientôt son nom colonial et devient officiellement le Burkina Faso, qui signifie « terre des hommes intègres ».

Et c’est cette intégrité qui poussa Sankara à changer les choses. « Nous ne pouvons pas faire partie d’une riche classe dirigeante alors que nous sommes dans un pays pauvre », disait-il. Les actes valant souvent mieux que les paroles, il fit très rapidement remplacer les très confortables voitures bleues des hauts fonctionnaires du gouvernement par des voitures plus « utilitaires ». « Il est inacceptable qu’il y ait des hommes propriétaires d’une quinzaine de villas à cinq kilomètres de Ouagadougou quand les gens n’ont même pas assez d’argent pour acheter de la nivaquine », disait le Président du Faso qui continuait de vivre dans un foyer modeste. Á lire sa déclaration de revenus de 1987, on estime qu’il possédait à l’époque une vieille Renault 5, des livres, une moto, quatre vélos, deux guitares, des meubles et un appartement d’une chambre avec un prêt hypothécaire. Afin de relancer l’économie du pays dont la terre n’a jamais été fertile, il décida de compter sur ses propres forces, de « vivre à l’africaine ».

« Il n’y aura pas de salut pour notre peuple si nous ne tournons pas résolument le dos aux modèles que des charlatans ont essayé de nous vendre à tous crins pendant des années ».

« Nous consommons Burkina Faso », pouvait-on lire sur les murs de Ouagadougou, tandis que, pour encourager l’industrie textile locale, les ministres étaient obligés de revêtir le faso dan fani, le vêtement traditionnel de coton, tout comme Gandhi l’a fait en Inde avec le khādī. Sankara a utilisé les ressources de l’État pour lutter contre l’analphabétisme, les maladies telles que la fièvre jaune, le choléra ou la rougeole, et fournir au moins dix litres d’eau et deux repas par jour à chaque Burkinabé, tout en faisant en sorte que l’eau ne tombe dans l’escarcelle des multinationales étasuniennes et françaises.

En très peu de temps, le président du Burkina a acquis le rang de célébrité en Afrique, ce qui soulève l’inquiétude des grandes puissances et des multinationales. Et ses grands combats - le problème de la dette en Afrique, la lutte contre la corruption, l’émancipation de la femme, les problèmes des zones rurales, l’éducation - ont été très vite considérés comme des exemples à suivre. Mais sa renommée et sa détermination ont fini par lui coûter cher. C’est à l’occasion de l’assemblée de l’Organisation de l’unité africaine réunie le 29 juillet 1987 à Addis-Abeba, en Éthiopie, que Sankara signa son arrêt de mort en annonçant son intention de ne pas payer la dette : « Nous sommes étrangers à la création de cette dette et nous n’avons donc pas à payer pour cela. (...) La dette sous sa forme actuelle est une reconquête coloniale organisée avec soin. (...) Si nous ne payons pas, nos bailleurs de fonds ne mourront pas, soyons-en sûrs ; par contre si nous payons, c’est nous qui allons mourir, soyons-en sûrs également ».

En outre, dans son discours à Addis-Abeba, Sankara a déclaré, en présence de dirigeants africains : « Nous devons dans la lancée de la résolution de la question de la dette trouver une solution au problème de l’armement. Je suis militaire et je porte une arme. Mais monsieur le Président, je voudrais que nous désarmions. Parce que je ne possède qu’une unique arme, alors que d’autres ont camouflé les leurs. Alors, chers frères, avec le soutien de tous, nous pourrons faire la paix chez nous. Nous pouvons également utiliser ces immenses potentialités pour développer l’Afrique parce que notre sol et notre sous-sol sont riches ».

Quelques mois après ce discours, le président Sankara a été assassiné avec ses camarades lors du coup d’État orchestré par son meilleur ami Blaise Compaoré, avec le soutien de la France, des États-Unis et de la Côte d ’Ivoire. Sur le certificat de décès du président assassiné, la mention « mort naturelle » apparaissait encore en 2008, date à partir de laquelle l’ONU a contraint les autorités du Burkina Faso à supprimer le mot « naturel ». Son corps a été jeté dans une fosse commune à Ouagadougou, situé à un jet de pierre d’une décharge à ciel ouvert. Vingt-cinq années plus tard, la justice n’a toujours pas été rendue et la plupart des protagonistes de sa mort, parmi lesquels figure en bonne place l’actuel président Blaise Compaoré, sont encore au pouvoir. Mais le mythe de Sankara est plus vivant que jamais ...

mercredi 17 octobre 2012

De la chasse au Che à sa vente aux enchères

Che Guevara à cheval dans la Sierra Maestra, 1959

En mars 1967, une vingtaine d’hommes des forces spéciales étasuniennes, dont quelques-uns provenaient du Sud Viêtnam, s’installa en Bolivie. Spécialistes en contre-insurrection, ils faisaient partie des Equipes mobiles d’Entrainement (Mobile Training Team). A leur tête se trouvait le major Ralph « Pappy » Shelton, vétéran de la guerre de Corée et des opérations spéciales au Laos et au Viêtnam. Ils étaient chargés d’organiser et d’entraîner un bataillon de « chasseurs » de la forêt, corps d’élite connu aussi sous le nom de « Rangers ».

Shelton décida qu’une bonne partie des recrues devait être d’origine quechua. Selon ce militaire, leur connaissance du terrain, de la langue et leur tempérament faciliteraient les relations et la collaboration avec la population rurale. En outre, Shelton soutenait que les Quechuas résistaient mieux aux rigueurs de la jungle que les indiens Aymara.(1)

Parallèlement au groupe de Shelton, arrivèrent Félix Rodríguez Mendigutia et Gustavo Villoldo Sampera, d’origine cubaine, membres de l’Agence centrale de renseignement des Etats-Unis, CIA. Howard Hunt, l’un des hommes clés de la CIA lors du renversement du président guatémaltèque Jacobo Arbenz, en juin 1954, se joignit à eux. Lors du « Projet Cuba », qui préparait l’invasion ratée de Cuba à partir de Playa Giron, en avril 1961, Hunt avait été le responsable chargé de l’organisation du « Gouvernement provisoire cubain ». Il y avait aussi Antonio Veciana Blanch, d’origine cubaine, qui travaillait à l’ambassade étasunienne à La Paz, en tant que fonctionnaire de l’Agence des Etats-Unis pour le développement international, (United States Agency for International Development, USAID), une institution créée en 1961, dépendant du Département d’Etat et principal agent d’exécution des actions de la CIA à l’étranger. Veciana avait été l’un des principaux intermédiaires entre la CIA et la mafia de la « Cosa Nostra », lorsque le président John F. Kennedy autorisa cette « relation » dans le but d’assassiner Fidel et Raul Castro, ainsi que Che Guevara. (2)

Tous étaient en Bolivie pour poursuivre, capturer ou faire disparaître Che Guevara. La CIA n’avait pas pu remplir cet objectif au Congo. Le 24 avril 1965, le Che était arrivé en Tanzanie avec un petit groupe de Cubains. De là, ils étaient passés au Congo, prenant contact avec les rebelles qui combattaient le dictateur Joseph-Désiré Mobutu, lequel comptait sur l’appui d’Etasuniens et d’Européens. Le Che s’était rendu au Congo pour répondre à l’appel du dirigeant Laurent-Désiré Kabila qui avait demandé au gouvernement cubain de l’assistance en techniques de guérilla. Le Che et ses hommes quittèrent le Congo en novembre, en accord avec les rebelles.

Le révolutionnaire était arrivé en Bolivie en novembre 1966, sous le nom d’Adolfo Mena Gonzalez, avec un passeport uruguayen. Peu de jours après, il s’incorpora à la guérilla naissante. Son intention était de consolider un mouvement rebelle qui serait le début de l’expansion des processus de libération à travers l’Amérique du Sud.

Presqu’un an auparavant, le 3 octobre 1965, lors de la cérémonie de constitution du Comité Central du Parti Communiste de Cuba, Fidel Castro avait lu l’émouvante lettre d’adieu du Che, dans laquelle il renonçait à toutes ses fonctions officielles que lui avait confié la Révolution naissante. « D’autres terres du monde réclament le concours de mes modestes efforts. Je peux faire ce qui t’est refusé, en raison de tes responsabilités à la tête de Cuba et l’heure est venue de nous séparer.

Je veux que tu saches que je le fais avec un mélange de joie et de douleur ; je laisse ici les plus pures de mes espérances de constructeur et le plus cher de tous les êtres que j’aime [...] Sur les nouveaux champs de bataille je porterai en moi la foi que tu m’as inculquée, l’esprit révolutionnaire de mon peuple, le sentiment d’accomplir le plus sacré des devoirs : lutter contre l’impérialisme où qu’il soit ; ceci me réconforte et guérit les plus profondes déchirures. Je répète une fois encore que je délivre Cuba de toute responsabilité, sauf de celle qui émane de son exemple […] ».

L’ordre d’envoyer cette équipe « chasser » le Che avait été donné après que la CIA eût pris connaissance des photos prises depuis un avion espion, de type U-2. Cet « oiseau invisible » avait réalisé ses premiers vols en 1956. L’existence de ce type d’avions fut brusquement révélée à la une de la presse mondiale lorsque les Soviétiques en abattirent un spécimen au-dessus de leur territoire, le 1er mai 1960, provoquant une grande tension entre les deux nations. Deux ans plus tard, le 14 octobre, ce furent les photos prises au-dessus de Cuba par l’un de ces appareils qui déchaînèrent la Crise des Missiles. Le U-2 jouissait d’un grand prestige grâce à sa capacité à réaliser des photographies du sol tout en volant à une altitude de 20 kilomètres. Ses caméras étaient équipées d’un système de détection à infrarouge, qui imprimait le moindre rayonnement thermique sur une pellicule ultra sensible. Cet avion de reconnaissance ne fut pas le seul moyen auquel eut recours l’Equipe Spéciale étasunienne afin de localiser avec exactitude la colonne du Che. Si l’information tirée de transfuges et de prisonniers – qui parlèrent volontairement ou sous la torture – fut importante, on compta aussi avec la surveillance d’autres avions.

Dans la journée, des avions loués par la CIA, camouflés au milieu de ceux des entreprises pétrolières et de gaz, surveillaient toute la partie méridionale de la Bolivie, depuis Santa Cruz jusqu’à la frontière avec le Brésil, le Paraguay et l’Argentine.(3)

Lorsqu’on eut la certitude que c’était bien le Che qui commandait la colonne de guérilla, une autre section de la CIA apporta son soutien aux agents sur le terrain. Elle leur remit le dossier de l’étude psychiatrique personnelle (Psychiatric Personality Study, PPS), du dirigeant révolutionnaire. Comme le fait la CIA avec toute personne qu’elle met sous sa loupe dans le monde, le PPS du Che contenait les enquêtes de psychologues, de psychiatres et même de journalistes, sur sa personnalité présumée et son comportement depuis sa jeunesse, en incluant les maladies probables et même les préférences sexuelles.

La capture ou l’assassinat du Che était d’importance stratégique, ce qui fut démontré le 9 avril 1967. Ce jour-là, comme cela se fit en peu d’occasions, les hauts responsables civils et militaires pour l’Amérique Latine se réunirent afin de débattre de la marche à suivre. Pour le Pentagone étaient présents le général en chef de l’Etat Major de la US Army, et le commandant du Southern Command, ainsi que les chefs des troupes d’intervention et de renseignement. Y participaient également, pour la Maison Blanche et le Département d’Etat, le Secrétaire d’Etat adjoint pour les affaires régionales, un conseiller du Conseil National de Sécurité, et divers experts. Le secrétaire d’état Dean Rusk ainsi que Richard Helms, le chef de la CIA présidaient la réunion.

Le centre de la zone de combat se situait près du fleuve Ñancahuazu. Rodriguez Mendigutia et Villoldo Sampera dirigeaient les effectifs boliviens. Blessé au combat, le Che fut capturé le 8 octobre 1967 et assassiné le lendemain, alors qu’il se trouvait totalement sans défense, à l’intérieur de l’humble école de La Higuera.

Des années après, Félix Rodriguez Mendigutia se glorifiait d’avoir été le dernier Etasunien et le dernier Cubain à voir le Che vivant. Ce fut lui qui transmit à un sergent bolivien l’ordre, venant de Washington, de tirer sur le guérillero. Dans son actuelle maison-bunker des alentours de Miami, il a son « musée » personnel où il exhibe la montre Rolex en acier et la pipe qu’il prit au Che. Il décrivit les détails de son action dans cette opération dans un rapport à la CIA, déclassifié en 1993.(4)

Exécutant les directives de Washington, Gustavo Villoldo Sampera se chargea d’enterrer le Che en secret, « pour empêcher La Havane de vénérer ses restes comme un monument à la révolution. » (5)

Ce qu’il ne put pourtant pas éviter, tout au contraire : le Che devint l’un des plus grands symboles de la lutte révolutionnaire pour la liberté, dans l’histoire de l’humanité.

Il ne put pas non plus empêcher le retour du Che à Cuba. Le 28 juin 1997, un groupe d’experts cubains et argentins découvrit à Vallegrande en Bolivie, une fosse commune qui renfermait les restes du Che et de six autres guérilleros. Le 12 juillet, ils furent transférés à Cuba et reçus par leurs familles ainsi que par tout le peuple de Cuba, lors d’une cérémonie simple mais extraordinaire. Aujourd’hui, leurs restes reposent dans le mausolée de la Place Ernesto Che Guevara à Santa Clara.

En 2007, une vente aux enchères eut lieu dans une librairie du Texas, à la demande de Villoldo Sampera. Y figuraient les empreintes digitales du Che, une touffe de cheveux coupés sur le cadavre, ainsi que des cartes de la mission de détection et de capture. Il espérait en obtenir un demi-million de dollars. Même si la grande presse mondiale s’en était fait l’écho, cette vente aux enchères attira beaucoup de curieux mais un seul acheteur à qui Villodo dut vendre ses « trophées » pour 100 000 dollars. La plupart des gens étaient d’avis que leur acquisition porterait malheur.

Hernando Calvo Ospina, journaliste et écrivain. Auteur de "L’équipe de choc de la CIA", Le Temps des cerises, Paris, 2009.

Traduction : Hélène Vaucelle.

Notes :

1) Gillet, Jean-Pierre. Les bérets verts. Les commandos de la CIA. Albin Michel. Paris, 1981.

2) Rapport de la Commission spéciale présidée par le sénateur Frank Church : “Alleged Assassination Plots Involving foreign Leaders.” An Interim report of the Select Committee to Study Governmental Operations With Respect to Intelligence Activities United States Senate Together UIT Additional, Supplemental, and Separate Views. November, 1975. U.S. Government printing office 61-985. Washington, 1975.

3) Jean-Pierre Gillet. Op.cit.

4) http://www.gwu.edu/ nsarchiv/NSAEBB...

5) El Nuevo Herald, “Villoldo : Yo enterré al Che” Miami, 21 septembre 1997.

mardi 16 octobre 2012

Qu'est-ce que la propriété ?


L’autodidacte Proudhon est un cas à part dans l’histoire du socialisme : il n’oscille pas entre prolétariat et petite bourgeoisie, il cumule les deux identités sociales. Ouvrier typographe et patron d’une petite imprimerie, il incarne une voie alternative à celle de son contemporain Karl Marx dans la pensée socialiste du XIX° siècle : au cours heurté de sa vie (faillites, suicides dans son entourage proche) répond une pensée en permanente reformulation, très éloignée du « socialisme scientifique », mais pour cette raison plus humaine. Il n’a pas fondé de parti, mais laissé derrière lui une œuvre.

Individualiste en pratique, collectiviste en théorie, le personnage peut faire sourire. Il n’en reste pas moins qu’il faut connaître sa pensée : elle a joué un rôle important dans la formation des courants non marxistes du socialisme.

Note de lecture, donc, sur son œuvre la plus célèbre : « Qu’est-ce que la propriété ? »

*
La propriété, dit Proudhon, c’est le vol – exactement comme l’esclavage, c’est l’assassinat. A ses yeux, toute supériorité sociale, même justifiée par le talent, est « usurpation et brigandage ». Réfutant à la fois la métaphysique aristotélicienne (aucune vérité descendante) et la morale kantienne (qu’il juge coupée de l’expérience), il admet l’idée de Dieu, la nécessité de l’impératif catégorique, mais refuse que ces valeurs transcendantes servent au cautionnement d’un état de la société qui lui paraît inique. Son critère de la vérité : la justice. D’où sa volonté d’opérer une complète refondation sociale, dans laquelle il voit, pour son époque, l’équivalent de ce que fut le surgissement du christianisme pour l’empire romain décadent.

Il s’agit pour lui d’aller bien au-delà de 1789 (une révolution captée par la bourgeoisie). Pour lui, 1789 a voulu rendre tous les hommes égaux dans la propriété. Il s’agit au contraire d’abolir la propriété elle-même. Programme absurde ? Il va tenter de prouver que non.

Proudhon analyse la propriété de manière classique : elle est à la fois la nue propriété (droit sur la chose possédée) et la possession (détention effective de la chose possédée). Or, dit-il, les prolétaires ont de facto la possession de l’outil de travail, puisque c’est eux qui le font fonctionner. En ce sens, la propriété au sens strict est extérieure au fonctionnement réel de la société. Elle ne fait que traduire un retard dans la traduction juridique d’une réalité sociale. Le propriétaire (c'est-à-dire le capitaliste) détient juridique des biens au nom d’une fonction sociale passée (parfois très ancienne, héritée), et c’est le délai d’ajustement qui explique que cette détention juridique ne « colle » pas à la réalité de la détention effective. De là une inégalité, une iniquité, un scandale, non seulement entre les hommes, mais aussi entre la représentation de la société et la société réelle.

Pourquoi ce scandale paraît-il naturel ? Proudhon répond : parce que chaque individu, enfermé dans son moi, s’imagine que son intérêt doit nécessairement se déterminer au regard de ce moi. C’est pourquoi la donation de la terre au genre humain ne peut pas être comprise dans son sens véritable : elle est vue comme une donation d’une parcelle de terre à chaque parcelle de l’humanité. Ainsi, le scandale de l’iniquité n’est jamais que la traduction sociale d’un autre scandale, non aux yeux des hommes mais sous l’angle de l’œil absolu : le scandale « fondateur », celui qui correspond dans la réalité à la notion (pour Proudhon éminemment critiquable) de péché originel, le scandale de l’égoïsme (Dieu, c’est moi).

Alors que faire ? Proudhon répond : il faut que la détention sous l’angle de l’utilité sociale vaille propriété, ce qui revient à dire qu’il faut que la propriété disparaisse en tant que principe distinct de l’utilisation de l’objet à des fins sociales. Il faut donc admettre que l’homme doit renoncer à posséder en vue de sa propre jouissance, et s’élève jusqu’à voir le monde du point de vue de l’œil absolu. Pour cela, il faut briser le maillon que Proudhon estime originel : le droit de propriété. Il faut que le travail prime la propriété, non pour établir un nouveau droit de propriété, mais pour apparaître pleinement comme l’activité par laquelle chaque homme participe du bien être et du progrès de l’humanité entière. Que le travailleur fasse siens les fruits de son travail, à la rigueur. Mais que l’outil de production lui-même soit aliéné : non. Il faut trouver d’autres formes d’organisation coordonnée du travail, que celle qui repose sur la détention de l’outil de production. Et il faut encore que le travail soit rémunéré non selon le talent du travailleur, mais selon son effort (faute de quoi on refonderait l’égoïsme, non plus du propriétaire, mais de l’homme supérieurement doué). Alors seulement, dit Proudhon, le scandale de l’iniquité étant aboli, celui de l’égoïsme disparaîtra, avec sa traduction matérielle.

Proudhon, en somme, nous dit que la cause première du scandale de l’égoïsme réside dans le scandale de la propriété. En cela, il se contredit d’ailleurs, puisqu’il commence son essai en expliquant précisément l’inverse – à savoir que le mal manifesté renvoie au mal intérieur de la créature humaine. Chez Proudhon, comme chez Rousseau, il y a en arrière plan de la réflexion une anthropologie fondamentalement optimiste : « je nie, » ecrit-il, « et le péché d’origine, et la pérennité du mal, et l’incurabilité de notre espèce, et l’inamovibilité des propriétaires ».

On pourra donc sourire du raisonnement et hocher la tête avec sérieux devant la naïveté de l’anthropologie qui le sous-tend. Objecter que Proudhon parle en quelque sorte « dans la théorie », comme s’il était possible, par une simple réforme sociale, de modifier la nature humaine, d’éradiquer le désir mimétique, et de supprimer le jeu complexe des rivalités en abolissant la valeur d’échange dans le travail comme unique référent. Plus prosaïquement, on pourra contester que le travail constitue un étalon possible en l’absence du marché, pour la bonne et simple raison que la rareté de certaines compétences fera toujours qu’elles seront mises aux enchères (le moyen de faire autrement ?).

Pour autant, Il faut reconnaître qu’il y a quelque chose de touchant dans la manière dont ce brave homme, confronté à l’effondrement de l’espérance chrétienne (telle que peut la concevoir un Français post-catholique), cherche désespérément à la faire renaître à travers un mythe communiste. Dans la dernière partie de son ouvrage, il objecte à ceux qui lui disent « vous proposez l’impossible » qu’eux, de leur côté, en défendant la propriété, défendent un système qui, à terme, s’avèrera lui aussi impossible (loi des rendements dégressifs), et finira nécessairement par se transformer en tyrannie homicide (accroissement indéfini de l’exploitation) et absurde (développement indéfini de l’économie spéculative, au détriment de l’économie physique de production). En lisant cette dernière partie, on comprend que son appel désespéré à une transmutation des hommes par la transformation de la société est, d’abord, le cri d’angoisse d’un individu lucide, qui comprend vers quelles tragédies le système capitaliste est en train d’entraîner l’humanité.

Proudhon, dès le milieu du XIX° siècle, énonçait la proposition décisive : socialisme ou barbarie. A quoi, en lecteur de la Bible, je ne peux que répondre : barbarie absolue d’abord, oppression d’une première humanité (les damnés) par une seconde humanité (les démons). Puis Révélation, ensuite seulement, pour une troisième humanité (les justes).  C’est écrit…

Michel Drac

jeudi 11 octobre 2012

Histoire de la Commune de Paris

LA RÉVOLUTION FRANÇAISE



QUI EST THIERS?



LA GUERRE DE 1870



LE SIÈGE DE PARIS



L'AVANT COMMUNE



A VERSAILLES




AMBIANCE À PARIS




DES GENS SCRUPULEUX




LA VRAIE FRANCE




A L'ATTAQUE DE PARIS



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vendredi 5 octobre 2012

Mexique : Au Chiapas, la guerre en catimini...



C’est une question que l’on nous pose souvent... « Que deviennent les zapatistes ? On n’entend plus parler d’eux... »

On assiste pourtant ces derniers temps, dans l’Etat du Chiapas, à une forte recrudescence de la guerre sournoise contre le mouvement zapatiste. Celle-ci progresse implacablement, notamment dans les régions et villages où les bases de apoyo, les paysans mayas et zoques adhérents à l’EZLN ne sont pas majoritaires.

Les agressions sont perpétrées par des groupes paramilitaires. Rappelons que ces organisations paramilitaires sont constituées à l’instigation des autorités gouvernementales, au niveau de l’Etat du Chiapas et de l’Etat fédéral. Il s’agit pour le pouvoir de mettre en œuvre la fameuse stratégie de « guerre de basse intensité », si bien décrite par Marie-Monique Robin dans « Les Escadrons de la mort », et imaginée par les militaires français après les échecs cuisants subis en Indochine et en Algérie, au cours des guerres coloniales des années 1940, 50 et 60...(Nous apportons ces précisions parce qu’il nous semble important de ne pas oublier le rôle toujours actuel de l’État français au Mexique. L’armée mexicaine utilise du matériel militaire français (blindés, hélicoptères, mais aussi armements et systèmes de détection ultramodernes), la police « bénéficie » de conseillers du RAID et autres groupes, de nombreux accords lient des entreprises de « chez nous » (Safran, Thalès, EADS, EDF, Thomson) avec des entreprises ou l’État mexicain...)

Des individus sont recrutés dans les communautés indigènes et paysannes, souvent parce qu’ils se sont retrouvés ruinés et sans ressource après être tombés dans le piège des programmes gouvernementaux de « certification des terres ». Après avoir accepté la privatisation de leur parcelle, sous prétexte que celle-ci leur donnerait accès au crédit, à la consommation, au « développement »...ils ont hypothéqué celle-ci, en échange d’un prêt qu’il n’ont pu rembourser.

On les organise donc, et on leur donne armes et argent pour qu’ils fassent partie de bandes entraînées et contrôlées par des officiers de l’armée ou de la police. Ils sont alors invités à entreprendre des actions violentes, des provocations et destructions contre les familles zapatistes. Ces agressions sont particulièrement violentes, car d’une part l’on promet aux paramilitaires de leur donner les terres occupées par les zapatistes, s’ils parviennent à les faire partir, et d’autre part ces personnes sont alcoolisées, droguées et assurées de la protection militaire. Elles connaissent en même temps l’engagement et la détermination des zapatistes à ne pas employer la violence armée contre des civils, des paysans, d’autres indigènes... Un engagement toujours tenu par l’EZLN, mais que le pouvoir aimerait faire voler en éclats, afin de créer un fossé infranchissable entre communautés, familles et personnes, et aussi se donner une raison d’intervenir brutalement contre les bases d’appui de la résistance indigène.

Tout au long de l’été, de nombreux témoignages ont fait état de cette recrudescence. Des communautés comme celle de San Marcos Avilés, où les familles zapatistes, minoritaires, ont fait l’objet de très graves violences parce qu’elles ont mis en place une école autonome (afin que les enfants cessent d’être méprisés et humiliés, mis en concurrence et acculturés par le système éducatif raciste et aliénant de l’État), ou encore à San Patricio, ont été le théâtre de ces violences : destruction de maisons, de clôtures, de cultures, de locaux communautaires, vols, menaces, coups de feu, etc.

Une caravane de solidarité, formée de membres d’associations solidaires mexicaines et internationales, a récemment rendu visite à la nouvelle communauté Comandante Abel. On peut trouver des compte-rendus en français sur le site « La voie du jaguar », sur celui du CSPCL, etc., ou visionner la vidéo réalisée par les membres de la caravane.

Cette situation, très préoccupante, devrait inciter à mieux s’informer et à mener une réflexion sur la nécessité de participer à la dénonciation de cette sale guerre contre les communautés zapatistes du Chiapas.

Cette violence se développe dans le contexte plus large de la pseudo « guerre contre le narco », qui a fait des dizaines de milliers de victimes au Mexique ces dernières années. Une guerre qui vise à nettoyer les campagnes des populations considérées comme archaïques, comme étant « de trop » : communautés indigènes et paysannes, populations qui s’opposent à l’implantation massive de mines à ciel ouvert, aux méga-projets en tous genres : touristiques (y compris « éco-touristiques »), agricoles (pour l’agro-industrie et l’exportation), énergétiques... La carte de cette violence, disait voici deux ans la journaliste mexicaine Gloria Muñoz, recouvre presque exactement celle des ressources minières et énergétiques du pays, et celle des luttes indigènes et paysannes.

L’actuelle transition entre l’équipe du président de la République Fédérale Felipe Calderón (élu en 2006 pour le Parti d’Action Nationale -PAN- après une fraude monumentale) et celle d’Enrique Peña Nieto, le candidat du Parti Révolutionnaire Institutionnel, lui aussi porté au pouvoir, en juillet dernier, par une série de combines et d’achats massifs de voix, grâce aussi au contrôle des médias, etc., représente une menace supplémentaire de destructions et de terreur contre l’ensemble de la société mexicaine.

Le capitalisme industriel mondial a absolument besoin de mettre la main sur ce qui reste de ressources sur la planète. Pour lui, cesser de croître, c’est risquer de sombrer. Les nouvelles technologies, aussi inutiles que dévastatrices et mortifères, constituent pour une grande part sa planche de salut. Il va donc consacrer toute sa puissance, face à une humanité de plus en plus hébétée, pour accaparer le pétrole, le silicium, l’uranium, le lithium et l’ensemble des métaux rares liés à ces nouvelles productions.

Le Mexique, par les richesses qu’il recèle, mais aussi à cause de la vigueur des résistances (au Chiapas, dans l’Oaxaca -luttes actuelles contre les méga-projets de parcs éoliens sur les territoires des Ikoots-, le Guerrero -avec la constitution et le renforcement des polices communautaires de la Montaña et la Costa Chica, le Michoacan -communautés de Santa María Ostula et Cherán-, le Jalisco -résistance des Wixarica aux projets miniers menaçant directement leurs montagnes sacrées, l’État de Mexico -San Salvador Atenco, et dans bien d’autres endroits), représente une région clé, où beaucoup de choses vont se jouer dans les mois et les années à venir. Loin des élucubrations et des interprétations imbéciles des calendriers mayas, nous devons être conscients de ce qui se joue là-bas. Et nous mettre à l’écoute de ce que nous disent les indigènes, ceux du Chiapas et du reste du pays : « désertez le système qui nous détruit tous, récupérez les moyens de vivre dignement, reprenez vos destins en mains. Joignons nos résistances... »

En continuant, dans ces conditions extrêmes, de construire leur autonomie (écoles, cliniques, police et justice, coopératives économiques, travaux collectifs, gouvernement par en-bas, sur le mode de la gratuité, la rotation et de la révocabilité), les zapatistes font leur part du travail. Seuls, ils ne s’en sortiront pas. Nous non plus.

Jean-Pierre Petit-Gras

jeudi 4 octobre 2012

FSLN : Patria libre o morir !


Le Front sandiniste de libération du Nicaragua est au Nicaragua ce que le Parti Québécois est au Québec, toutes proportions gardées. Comparaison boiteuse me direz-vous ? Vous avez raison, le FSLN est beaucoup plus révolutionnaire, radical et violent. Il viendra mettre fin à des décennies, voire des siècles de dictature en sol nicaraguayen. Mais, tout comme le Parti Québécois, son histoire est passionnante.

Avant tout, il faut savoir que le Nicaragua arrive au deuxième rang des pays les plus pauvres d’Amérique latine, immédiatement après Haïti. Il y a plus de 475 ans, les Espagnols fondent les premières villes et exploitent les matières premières ainsi que la main d’œuvre présentent dans la colonie. Puis, en 1821, les habitants du Nicaragua profitent des troubles financiers de l’Espagne pour proclamer leur indépendance, avec l’aide des Etats-Unis qui y voient d’importants avantages commerciaux et politiques. Puis, vient la période de dictature militaire qui s’étendra jusqu’en 1979.

Le Front sandiniste de libération du Nicaragua émane d’un grand homme, Augusto Cesar Sandino. Cet homme est une véritable légende et vous vous en rendez réellement compte quand vous parlez avec les Nicaraguayens des bidonvilles. La plupart ne savent pas lire et écrire, mais ils savent qui est Sandino. Normal, c’est lui qui a lancé le mouvement de rébellion qui a permis au Nicaragua de se défaire de la dictature de la dynastie Somoza, soutenue par les Américains. En bref, Sandino crée l’Armée de défense de la souveraineté nationale en 1927, qui comptera vite quelques 3000 membres. Ils lutteront, avec l’aide de la population, contre l’occupation américaine. En 1933 lorsque Sandino se rend à la capitale pour signer un accord de paix, il se fait abattre. On m’a même raconté que Somoza a disperser les parties de son corps dans tout le pays, pour éviter la création d’un lieu de culte en l’honneur du guérillos.

La mort du leader national calmera le mouvement de rébellion armée. On prépare quelque chose d’encore plus gros. En effet, en 1961, Santos Lopez fonde le Front sandiniste de libération du Nicaragua. Avant tout militaire, ce mouvement a aussi des visées politiques. Inutile de dire que la rébellion se transforme rapidement en révolution. En 1979, après plusieurs années de lutte armée, les Etats-Unis se retrouvent dans une impasse et cessent de financer la dictature de Somoza. Ce dernier n’a nul autre choix que de s’exiler. Le FSLN prend le pouvoir au Nicaragua.

On organisera les premières élections démocratiques en 1984 et elles seront gagnées par Daniel Ortega du FSLN. Le parti restera au pouvoir jusqu’en 1990. Durant leurs 21 ans au pouvoir, les sandinistes devront gérer la crise provoquée par l’embargo américain ainsi que les attaques des contras, financés par l’irangate. Mais plus que ça encore, le FSLN lancera une campagne d’alphabétisation, opérera un réforme agraire et s’associera avec d’autres pays d’Amérique du Sud pour les échanges commerciaux. De plus, on rédigea la constitution du pays. Ensuite, le FSLN reviendra au pouvoir en 1997, pour 4 ans.

Aujourd’hui, même si le FSLN n’est plus au pouvoir, ses délégués occupent plusieurs sièges au sein du gouvernement du Nicaragua. La présence de ce parti nationaliste-révolutionnaire permet de tenir les Etats-Unis loin des affaires politiques. L’histoire du Front sandiniste de libération du Nicaragua est inspirante puisqu’elle nous enseigne qu’à force de volonté de persévérance, on peut arriver à nos fins.