Le climat était
déjà fort explosif au Québec, et cela, avec raison. Nous étions probablement
plusieurs à croire que la situation ne pouvait que s’améliorer après 8 mois de
conflit étudiant moussé à l’extrême par ceux-là mêmes qui étaient chargés de le
régler. Mais finalement, voilà le grand soir ! Le 4 septembre nous
assistons enfin à la fin du règne du candidat Charest, dans sa circonscription
de Sherbrooke, et du même coup à celle de sa belliqueuse tribu de libéraux.
Cette douce victoire, loin d’être totale, a malheureusement été accompagnée de
plusieurs déceptions : parti libéral encore très fort, gouvernement péquiste
minoritaire, perte du soldat Aussant, etc. Et comme un malheur n’arrive jamais
seul, cette petite douceur, pourtant prédestinée à être en une le lendemain, fut
encore plus enfiellée qu’elle ne l’était déjà par un autre évènement aussi
insolite qu’inattendu. Eh oui ! Il semblerait
que cette petite victoire, aussi insignifiante soit-elle et ayant beaucoup plus à
voir à de l’alternance qu'à un mouvement de masse, ait quelque chose d’assez intolérable pour mériter
que l’on essaie de massacrer ceux qui ont eu l’audace de soutenir le parti québécois. Parti qui lui a
commis comme crime d’avoir quelques petites positions identitaires dans son
projet. Cet attentat
plongea évidemment dans l’effroi une bonne partie de la population, mais
étrangement pas tout le monde. Cet évènement, qui aurait pu être conclu de
manière cordiale, par un minimum de consensus sur le caractère politique et
extrémiste de l’acte (du moins de la part des médias comme c’est généralement
le cas un peu partout dans le monde dans des situations équivalentes) fut une
véritable débandade de propos plus ou moins ignoble en provenance non seulement
des médias anglais, mais aussi francophones.
Cette incroyable situation, aux vues des
réactions aussi absurdes et inconséquentes qu’elles ont suscitées, ne peut être
comprise autrement que comme l’incarnation d’une haine viscérale qu’ont
certains citoyens du Canada envers la volonté d’émancipation qu’a le Québec, et
ceci, pour ne pas simplement parler de racisme grossier dans bien des cas. Ce
visible et soudain éclatement de haine, ne pourra que réveiller (en tout cas,
je l’espère) ceux qui lévitaient encore une peu trop dans le doux rêve de la
bonne entente anglo-québécoise. Bonne entente, que cultivent encore bien des
gens de caractères modérés chez nos vaillants souverainistes. Il ne l’a pas
officiellement mentionné dans son dernier
article, mais j’espère que ceux comme Mathieu Bock côté, qui trouvait dont absurde(1) la comparaison entre
le protectorat Français en Algérie et celui que nous connaissons aujourd’hui,
vont commencer à voir nos voisins comme ils sont, soit des gens qui ne nous
voient aucunement comme des égaux, mais comme des indigènes, si ce n’est pire (2).
On me répliquera bien sûr qu’il n’existe aucunes comparaisons factuelles entre
le gentil empire britannique et l’horrible empire français ! Les Français,
c’est vrai, sont d’horribles colonialistes racistes n’ayant une culture de
valeur que lorsque celle-ci est vectrice de cosmopolitisme, de bons vins et
d’accessoires de luxe. Alors pour ce qui est de nous… Culturellement inférieur,
car rustique et enraciné, contrairement nos cousins et en même temps dépourvue
de toute la gentillesse qu’ont nos voisins anglais et étasuniens qui,
contrairement à nous, aiment apporter la démocratie aux pays barbares. En
n’oubliant pas, du même coup, le doux commerce néolibéral qui vient avec. Il
est donc tout à leur honneur de nous aider à atteindre ce « Bien suprême »
qu’est l’anglitude en neutralisant
nos volontés politiques par la tricherie dans un jeu démocratique déjà tronqué
d’avance. S’ils trichent, ce n’est pas une raison d’être en colère voyons donc !
C’est pour notre bien ! Sinon un Québec souverain mettrait en place
immédiatement une horrible
dictature où les anglophones n’auraient que des droits équivalents aux notes !!!
Qu’elle horreur hein !? Faudrait bien être fou pour donner l’autonomie à
ces crypto nazis là. Il faut les dominer, les assimiler et assassiner leurs leaders,
du moins c’est ce que crois les angryphones des sites comme Park
Avenue Gazette ou No dog or no anglophones qui ne sont,
je vous l’accorde, pas les plus représentatif des dominants. La grosse majorité
d’entre eux ne veulent que la domination politique, l’assimilation viendra
d’elle-même avec le temps. Avant de continuer l’élaboration de ce torrent
d’aberration que sont les relations anglo-québécoises, laissez-moi revenir un
moment sur les faits saillants de la soirée du 4 septembre pour ne pas
perdre de vu la gravité des évènements :
Peu avant minuit mardi
soir, Pauline Marois, chef du parti québécois et première ministre élue,
prononçait son discours de victoire, au Métropolis de Montréal.
Vêtu d’un peignoir et
d’une cagoule, un monsieur du nom de Richard Henry Bain, résidant de 61 ans de
La Conception, s'est approché de l'entrée des artistes, derrière le Métropolis.
Bain aurait tiré en
direction de la salle et atteint deux techniciens. À l'intérieur de la salle,
le son de l'arme aurait été couvert par les acclamations des militants, qui
n'ont rien entendu.
Denis Blanchette,
technicien de scène de 48 ans, père d'une fille de 4 ans, fut tué sur
place en empêchant le tireur d'entrer dans le Métropolis.
Un autre technicien de
27 ans, Dave Courage, a aussi été touché au niveau du bassin. Il a été
opéré et a survécu.
Rapidement, les agents
de la Sûreté du Québec ont tiré les blessés à l'intérieur du Métropolis et ont verrouillé
la porte. Le suspect aurait alors allumé un incendie à l'extérieur de la salle.
Les policiers sont
ensuite intervenus et plaqué au sol notre assassin. Celui-ci, devant les
caméras arrivées aussitôt, cria « Les Anglais se réveillent! It's gonna be
fucking payback !» Un policier en civil aurait saisi au moins deux armes au
suspect, une arme de poing et un fusil d'assaut, ressemblant à un AK-47.
Au même moment, alors qu'elle prononçait toujours son
discours en direct à la télé, Mme Marois a été entraînée subitement dans
les coulisses par ses gardes du corps. Elle est ensuite retournée au micro et a
demandé aux militants de quitter la salle calmement.
Une fois le suspect mis hors d’état de nuire, les
policiers ont fouillé son véhicule, garé tout près et y auraient trouvé un
bidon de liquide inflammable ainsi qu’une scie.
C’est donc ainsi que débuta la carrière
d’assassin de Bain et aussi le supposé régime de terreur du parti québécois.
Régime de terreur minoritaire dois-je le rappeler et qui sera probablement
incapable de faire les réformes attendues par son électorat. Malgré cette
situation très attendue et tout sauf révolutionnaire, la colère et la peur de
nos camarades anglophones leur imposa la connerie en gros titre comme celui du Calgary Herald qui nous explique que
le souverainisme québécois est intolérant ou bien The Gazette qui accuse le PQ
de xénophobie. Sans compter, nos propres larbins de La Presse qui décrivent Bain comme « Un
amoureux du Canada à l’âme troublée »! Beau portrait, ne trouvez-vous
pas, d’un homme qui a tenté d’assassiner la nouvelle première ministre du Québec ?
C’est sûrement un acte de foi pour sauver la démocratie canadienne de la terreur
péquiste nous dira-t-on? Enfin, tout ceci et je n’ai même pas fait mention de
ce qui s’écrit sur les réseaux sociaux comme appels
au meurtre et commentaires haineux en provenance d’autres gentils
« amoureux du Canada »!
Que doit-on conclure de cette affaire et de
son aspect profondément révélateur ? Il est difficile de ne pas voir une
aberrante condition de deux poids deux mesures dans ces réactions. On parle,
sans le moindre complexe, de terrorisme pour
les étudiants qui ont enfumés le métro, mais Bain lui ce n’est qu’une âme
troublée? J’aimerais bien voir les gens de La
Presse nous parler d’Anders Behring Breivik ou de Timothy McVeigh comme de grands amoureux de la Norvège et des Etats-Unis. Ça
serait impensable à première vue, mais ici il faut croire que tout est possible
au nom du sacro-saint beau Canada, le
plusss beau pays du monde ! Évidemment, l’on me rétorquera que le nombre de morts n’est pas comparable
(même si l’intention y était). La remarque est peut-être valable pour les gens
de mauvaise foi, mais je ne crois pas que sur le principe qu’il a manqué son
coup, La Presse ou tout autre
officine médiatique du même ordre, feraient l’éloge de Umar Farouk
Abdulmutallab comme d’un amoureux de la sagesse musulmane à l’âme troublée!
Non c’est juste au Québec que ce genre de situation arrive, on est vraiment une
province distincte !
Notre cas, si
vous ne l’aviez pas encore remarqué, est tout à fait singulier en ce qui a
trait le double standard. Nous sommes un des rares peuples (si ce n’est pas le
seul) à qui reviennent le chapeau de l’exploiteur et la condition de
l’exploité. Nous sommes de méchants dominateurs de part notre volonté d’exister,
mais en même temps nous sommes incapables de le faire appliquer convenablement
de par notre statut de minorité dans les formes politiques du pays. De là les accusations
délirantes des sites angyphones qui
dans la même phrase nous traite de peuple d’arriéré (c’est la signification
propre du terme Kebeckistan) et en
même temps de nazi. C’est vraiment le statut le moins enviable que l’on puisse
imaginer. D’un côté l’infériorisation morale du dominant et de l’autre
l’incapacité et la stigmatisation du dominé. « Big deal! »
Enfin bref !
Rien n’est plus révélateur que la situation actuelle pour illustrer les
relations anglo-québécoises et le pourquoi de la nécessité de se battre pour
avoir notre pays. Rien n’est plus faux que de croire que c’est en courbant
l’échine que l’on obtiendra le respect. Si on se couche, ils vont nous
piller dessus, mais si nous restons debout et que nous résistons, ils vont nous
haïr, mais ils vont nous respecter, disait Falardeau. Et c’est exactement
ce qui arrivera si nous nous assumons fermement et cessons de faire de
l’aplaventrisme. Encore une fois, rappelons-nous d’autres des sages paroles du feu
soldat Falardeau, le moment de le crier n’aura jamais été si fort qu’en ce
dramatique moment :
« La
lutte pour la libération de notre pays n'est pas une lutte constitutionnelle.
C'est une question de vie ou de mort. Ou rester à jamais une minorité de
braillards et mourir à petit feu comme à Sault-Sainte-Marie, ou devenir enfin
un peuple libre et vivre debout. La lutte pour la liberté et l'indépendance
n'appartient ni à un parti ni à une classe, mais à l'ensemble du peuple
québécois. Chacun, quelle que soit sa langue, son origine ethnique ou la
couleur de sa peau, est personnellement responsable. Responsable de tous. Il y
a un prix à payer pour la victoire ou pour la défaite. Chacun devra rendre les
comptes. Le choix est simple : ou la liberté, ou la mort ! »
Benedikt Arden
(1) La situation n’est pas la même actuellement, c’est
certain. Mais si les choses iraient dans le même sens, la réplique serait au
moins équivalente.
(2) Bien sûr je sais qu’il ne faut pas généraliser,
alors je dirai seulement « des » anglo-canadiens et non pas
« tout » les anglo-canadiens.