Désormais, plus personne ne peut nier que si l'économie intérieure de nos pays est toujours existante, c'est bien que par le biais de la consommation et que la seule production dont ils peuvent encore se vanter d'être les numéros 1 est bien entendu la production de déchets. Depuis les grands jours de la mondialisation heureuse, les intérêts économiques et commerciaux ont fait que toutes les productions consommées ici sont majoritairement faites dans ce que l'on pourrait appeler l'atelier du monde (tiers-monde, chine, etc.) et cela évidemment pour le plus grand bonheur des consommateurs insatiables que nous sommes ainsi que pour le plus grand malheur de ceux qui croyaient avoir trouvé «dans les métiers concrets» un bon gagne pain. Malheur aux uns et bonheur aux autres! Fallait bien être sot pour croire que l'avenir n'était pas dans un puéril travail de bureau à vendre du virtuel. Mais bref, étant donné que la production a laissé place au secteur tertiaire, et plus précisément à l'industrie du service, le travail des uns nécessite l'obligation du service à l'autre (au sens uniquement mercantile bien sûr). Cette nouvelle problématique, qui est de devoir rendre service si l'on veut vivre, amène un problème tout nouveau dans l'accroissement du marché et celui-ci se résume vulgairement comme suit: «il nous faut plus d'incapables(1) pleins de fric et moins de gens indépendants et pauvres».
La solution à ce problème allait de soit et ne fut pas très difficile à trouver, car elle est apparue tout naturellement au travers de la doctrine libérale. Auparavant, le bonheur se situait essentiellement dans trois sphères de la vie(2), soit un travail socialement valorisant, de l'actualisation communautaire et de l'épanouissement spirituel. Avec l'avènement de l'individualisme, de la concentration urbaine et des révolutions libertaires, les choses sont devenues radicalement différentes. Les gens n'ont plus rien à attendre de leurs voisins, ils n'ont plus à respecter qui que ce soit (rebellitude oblige), ils peuvent aussi jouir de l'étrange sentiment qui est de croire que l'on ne doit rien à personne (encore moins à la société) et que tout leur est dû (leurs fameux droits innés diront certains). Et pour la spiritualité, inutile de dire que nous sommes beaucoup plus dans un grand supermarché, où l'on prend un peu partout ce qui fait notre affaire, que dans un contexte de devoir moral et de croyances, et ce, quand on ne dit tout simplement pas la grotesque formule «je ne crois en rien d'autre qu'en moi-même». Tout pour dire que les seules motivations qui prévalent dans notre société postmoderne sont aujourd'hui l'oisiveté, la jouissance, la luxure et autres idéals malsains découlant de la volonté de nos pulsions. Aujourd'hui, contre vents et marée, notre bienveillante société libertaire nous offre ce bonheur interdit, ce fameux rêve consumériste auquel seules les débiles pourraient dénier toutes les vertus. Mais vous l'avez compris, ce rêve n'étant atteignable que par une minorité de gens qui vivent justement sur le dos de ceux qui veulent atteindre ce mode de vie, les autres ne feront que s'appauvrir et du coup feront vivre la machine qui les aliène et les exploitent.
Cette culture de l'homme nouvellement retranchée au rang d'animal, vient régler un dilemme des plus menaçant à l'économie mondialiste, qui est d'augmenter les incompétences domestiques sans pour autant baisser le pouvoir d'achat. La réponse est facile, c'est le cercle éternel du travailleur jouisseur. Par conformisme libertaire, le crétin de base négligera le plus possible ses devoirs personnels et social pour se concentrer totalement à son projet de jouissance individuel, mais comme il a été dit, plus on travail pour jouir, plus il faut payer pour faire faire ce que l'on n'a plus le temps ou plus la capacité de faire à cause du temps de travail que l'on prend de plus pour se payer de l'inutile indispensable. Et bien entendu, tous ces efforts dévalorisants motiveront encore plus le besoin de jouissance qui est lui-même à l'origine du problème de surtravail. Cette spirale revient (au sens économique) à rester au point nul si l'on n'a pas juste moins au final, mais au sens humain c'est l'aliénation suprême, car cette obsession du bonheur par l'achat occulte les besoins humains essentiels et qui donnent à la vie sa véritable raison d'être. Quand on travail dans des métiers ultras spécialisés et que l'on consomme des merdes qui ne sert à rien sauf à enrichir ceux auquel l'on doit ressembler, on néglige les talents nécessaires aux autres jouissances naturelles qui elles ne sont pas déterminées par le nombre de zéro dans son compte en banque. Mais ne vous inquiétez pas, il y a une industrie de service (psychologue de ménage, agence de rencontres, voyantes, goatch de motivations et autres gourous), pour tous les handicapés sociaux que cette société produit, preuve que même les dégâts peuvent être rentable si l'on néglige le suicide et la dépression (bien qu'encore rentable pour les vendeurs de pilule et de services funèbres).
En résumé, la société de consommation emploie des gens à faire des travaux concrètement improductifs et très spécialisés, tout en limitant au maximum leurs temps libres par un nombre d'heures de travail trop élevé et finalisé par une consommation oisive de passe-temps débiles qui font que nous ne faisons presque plus rien d'autre que travailler et s'abrutir. Sans s'en rendre compte, le peuple, qui était jadis constitué de cellules familiales multidisciplinaires et à la limite de l'autogestion, est devenu un agglomérat d'unité spécialisée(3) dans une tâche, mais complètement incompétente dans tous les autres domaines de la vie (un peu comme des cellules). En fait, l'on peut parler de prolétarisation du domaine privé, dernier bastion de l'indépendance chez l'homme. Mais comme il a été dit, nos sociétés ne produisent plus rien de concret, donc il fallait bien investir ce domaine sinon l'économie tertiaire n'aurait plus eu de sens, mondialisme ultralibéral oblige.
Malheureusement, pour les tenants de l'existentialo-libéralisme, l'homme au sens concret du terme ne fait pas naturellement des choix transcendants sa nature et, encore moins, si ses barrières morales sont éliminées. Les choix de vie «jugés bon» du moment étant motivés par l'optimisation de intérêt et l'optimisation étant un concept mathématique amoral (donc déterminé), il est donc possible de contrôler le peuple tout en le laissant libre de faire tout ce qu'il veut, car ses choix iront toujours dans le sens prévu qu'est l'intérêt individuel. Donc, si l'on contrôle le divertissement et le travail et qu'au préalable tous les systèmes alternatifs d'accession au bonheur sont occultés, l'on n'est aucunement libre, car n'étant plus en mesure de vivre souverainement et selon le sens originel de la liberté(4).
Les obligations quotidiennes, aussi chiantes qu'elles puissent être, ont une utilité sociale bien plus grande que la paresse et la porno, car nous rendant libre des services dispendieux et aliénants, dont nous devenons chaque jour de plus en plus dépendants. Cette critique sera certes très loin d'inciter les gens à passer outre leurs instincts, mais lorsque que l'on voit des gens supposés sains d'esprit être captif d'une prison aux portes ouvertes on se rend bien compte que notre société de libertinage est maintenant bien proche d'une société d'esclavage.
Vortigern Zifendel
1-Incapable dans les tâches de leurs vie de tout les jours comme se nourrir, faire son budget, son ménage, ses impôts et même se créer des liens sociaux.
2-J’exclu par là les besoins de bases comme la sécurité et la satiété.
3-La structure familiale étant dévalorisée par les valeurs libertines, le commerce peut enfin vendre le double de tout ce que la famille achetait jadis en simple (frigo, voiture, laveuse, etc.).
4-Les anciens philosophes voyaient en la liberté la capacité de transcender leurs pulsions, ce qui est exactement l’inverse de celle promue aujourd'hui.