vendredi 18 septembre 2009

Les mécanismes de la mondialisation


« Emergeant du rideau de fumée qui en avait longtemps dissimulé la nature profonde, la mondialisation apparaît avant tout comme un système de domination du Nord sur le Sud, du capitalisme anglo-saxon sur les autres formes de capitalisme, des possédants sur les démunis. Au point où l’on peut dire que cette mondialisation-là est la mise en œuvre concrète de l’idéologie néolibérale.

La mondialisation, en effet, n’est pas tombée du ciel ; elle n’est en rien une étape nécessaire dans une évolution naturelle du système économique ou des technologies : elle est bel et bien la conséquence directe de multiples choix et décisions, en premier lieu politiques. Elle est même un choix stratégique, effectué progressivement, après 1968, et visant à rediscipliner le salariat des pays occidentaux par le chômage, et les peuples des pays pauvres par la dette.

Il serait néanmoins vain de nier les évolutions qui se sont produites sous l’effet de la dynamique propre du capitalisme, notamment dans le domaine de la financiarisation et des technologies. Mais ces transformations ont été récupérées et orientées par les stratégies mises en œuvre par les tenants de la révolution conservatrice initiée par M. Ronald Reagan et Mme Margaret Thatcher à partir du début des années 1980. Ces décisions, contribuant à l’extension de la mondialisation néolibérale, ont été prises , à côté des gouvernements et des instances multilatérales, par les investisseurs institutionnels et les firmes multinationales. Ces dernières ont rapidement compris qu’elles pouvaient réorganiser le travail à l’échelle planétaire pour faire d’une pierre trois coups :

-          affaiblir le mouvement syndical et les résistances dans les pays occidentaux, en réduisant la taille des entreprises et en les délocalisant pour rechercher davantage de compétitivité
-          faire croître leurs profits par la baisse de la masse salariale et en utilisant diverses exonérations fiscales et sociales, sans parler des paradis fiscaux
-          donner l’impression qu’elles participaient au développement du Sud en y implantant des usines. […]
Le niveau national pose un problème particulier, puisque, selon le discours convenu, les principales décisions se prenant à l’échelle mondiale, les Etats se trouveraient ligotés. Il ne servirait donc à rien que les habitants d’un pays votent pour des candidats auxquels ils confieraient le mandat de conduire des politiques alternatives. Si la mondialisation néolibérale est un cadre indépassable, alors nous ne sommes déjà plus en démocratie puisque, quels que soient ceux qui seront élus, ils ne pourront mener que des politiques identiques, à quelques nuances près.

C’est à ces tabous, très profondément ancrés, qu’il faut pourtant s’attaquer. Sujet par sujet, de manière pragmatique, doivent être identifiées les marges de manœuvre réelles de gouvernements qui souhaiteraient vraiment desserrer le corset néolibéral. »

Jacques Nikonoff, président d’ATTAC-France, Le Monde Diplomatique, juin 2005